Alors que vous lisez la note que Benoit Lavoie, avocat de première année, a rédigée pour l’avocate principale Jeanne Lapierre, cliquez sur les icônes Conseil pratique pour obtenir des indications textuelles, audio et vidéo de Benoit et de son mentor, Jeanne Lapierre. Fermez le Conseil pratique en cliquant n’importe où sur la page ou en appuyant sur la touche ESC.
Avant de lire la note, prenez connaissance de l’affaire Bradley c Tech World.
Écoutez l’entrevue de Stéphane Desmarais avec son nouveau client, Alex Bradley, pour savoir pourquoi Alex a besoin de conseils sur la clause restrictive prévue dans le contrat de travail qu’il a conclu avec Tech World.
Lisez maintenant les instructions par courriel de Stéphane Desmarais destinées à un nouvel avocat du cabinet, Benoit Lavoie, et examinez les notes de l’entrevue avec le client pour mieux comprendre l’objet de la note.
Vous pouvez examiner l’aperçu des notes de recherche de Benoit Lavoie sur les clauses restrictives pour obtenir plus de détails sur le droit applicable qu’il a utilisé dans sa note.
Croyez-vous que la note a répondu aux attentes de l’avocat superviseur? Après avoir lu la note de Benoit Lavoie, écoutez ce que dit Stéphane Desmarais au sujet de l’efficacité de la note finale.
À : Stéphane Desmarais, associé principal
Les titres contiennent des renseignements essentiels pour les présents et futurs lecteurs, ainsi que des données concernant le dépôt et l’archivage en bonne et due forme de votre travail et la facturation appropriée. Dans un cabinet d’avocats occupé, vous devez être capable de retrouver des documents rapidement. Une base de données bien gérée qui contient tout votre travail permet aux membres du cabinet de consulter facilement des recherches ou opinions antérieures. Chaque note doit contenir les renseignements d’identification exigés par le cabinet. Rappelez-vous d’inclure des numéros de page, puisqu’ils seront utiles dans le cadre de discussions ou travaux ultérieurs. Consultez la section « Titre de la note », dans « Élaboration des parties de la note », pour avoir un aperçu de la rédaction de titres complets.
De : Benoit Lavoie, avocat
Date : 28 juillet 2013
La date confirme que la note est rédigée en fonction du droit en vigueur à cette date. Si le droit évolue, la date de la note permet de s’assurer que votre travail ne sera pas utilisé de façon inappropriée. Il faut aussi que vous placiez la note dans le bon ordre chronologique dans la base de données de notes de recherche du cabinet.
Objet :
Utilisez l’intitulé de la cause et décrivez le contenu de façon suffisamment détaillée pour permettre à un avocat occupé de saisir à première vue la teneur de la note. Il peut y avoir plusieurs documents dans un même dossier. Une erreur courante consiste à n’utiliser que l’intitulé de la cause ou le nom du client sans aucune autre donnée descriptive.
Alex Bradley – Caractère exécutoire de la clause restrictive prévue dans le contrat de travail
Dossier du client : Alex Bradley, dossier no 2013-99-1234
Rendez-vous à la section « Introduction », dans « Élaboration des parties de la note », pour obtenir des stratégies et des exercices sur la rédaction d’introductions solides.
Alex Bradley, notre client, veut quitter son emploi actuel auprès de Tech World pour lancer sa propre société de logiciels éducatifs, par suite de récents désaccords avec les Dutton, les propriétaires de Tech World. Vous m’avez demandé
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d’examiner une clause restrictive dans le contrat de travail de Bradley pour déterminer si Bradley peut continuer à travailler dans le domaine des applications logicielles dans la région de Toronto après avoir quitté Tech World. La clause restrictive est probablement inexécutoire et ce, pour deux raisons :
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J’ai assisté à l’entrevue initiale du client et j’ai examiné vos notes d’entrevue et le contrat d’emploi.
Benoit a confirmé ses sources de renseignements, de sorte que l’avocat superviseur sait que Benoit avait tous les faits disponibles.
Vous m’avez demandé de ne pas me pencher sur la question de savoir si Bradley a fait l’objet d’un congédiement déguisé.
Rappelez à l’avocat superviseur ce qu’on vous a dit de ne PAS faire. Si de nouvelles questions se posent au cours de votre recherche, vous devriez demander à l’avocat superviseur s’il veut que vous les examiniez. Il se peut que l’avocat superviseur n’ait pas besoin d’une mise à jour sur ces questions et que d’autres membres du cabinet possèdent une plus grande expertise en la matière. Si vous dépassez la portée de votre tâche, cela pourrait avoir pour effet d’augmenter inutilement la facture du client. Ne faites pas de suppositions – vérifiez!
Après une discussion avec vous, je n’ai pas non plus fait de recherches quant à savoir si Bradley a déjà violé le contrat de travail en développant un progiciel éducatif avec son épouse pendant la durée de son emploi, ou s’il se peut que Tech World présente une réclamation au titre de la propriété intellectuelle relativement au nouveau logiciel, mais j’ai soulevé ces points en vue d’un futur examen dans la section « Conclusion et Recommandation ».
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Bradley prévoit
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que les Dutton voudront bloquer sa nouvelle entreprise et il veut éviter de devoir contester une action en justice coûteuse et chronophage. Je recommande à Bradley de négocier
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son départ, plutôt que de donner l’avis de trente jours exigé par son contrat, de lancer sa nouvelle société et d’attendre ensuite que les Dutton le pourchassent.
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Il y a deux ans, Alex Bradley a vendu Tech World, une société de logiciels située en Ontario, aux Dutton pour trois millions de dollars. À l’époque, Bradley a dit aux Dutton qu’il voulait réduire ses responsabilités au travail en raison de la maladie terminale de son épouse. Les Dutton, qui étaient à l’origine des clients de Tech World à Vancouver, ont acheté Tech World afin d’acquérir une équipe de recherche de premier plan et d’étendre leur entreprise de logiciels de la côte Ouest au marché de l’Ontario. Le paiement final de 500 000 $ pour la vente est exigible le 15 octobre de l’année en cours.
Tech World a retenu Bradley au poste vice-président responsable de la recherche logicielle et de la conception d’applications commerciales personnalisées. Les Dutton ont déménagé le siège social de Tech World de Toronto à Vancouver mais ont laissé l’équipe de recherche logicielle à Toronto sous la direction de Bradley.
Le contrat de travail et le contrat de vente de l’entreprise sont des documents distincts qui ne renvoient pas l’un à l’autre.
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Seul le contrat de travail contient une clause restrictive interdisant à Bradley d’exercer le même type de fonctions que celles qu’il exerce pour Tech World partout où Tech World fait des affaires, pendant la durée de son emploi et pour trois ans après la fin de son emploi. La clause restrictive se lit comme suit :
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L’employé ne peut, pour quelque raison que ce soit, ni directement ni indirectement, pendant la durée du présent contrat, ou pour une période de trois ans après la résiliation du contrat, indépendamment de la façon dont survient la résiliation, exercer des fonctions similaires à celles qu’il exerçait alors qu’il faisait partie de la société, dans toute ville ou municipalité dans laquelle la société est exploitée ou exerce des activités commerciales.
Les expressions de la clause restrictive ne sont pas définies ailleurs dans le contrat et les fonctions de Bradley ne sont pas non plus définies, si ce n’est que Bradley a le titre de vice-président, recherche à la tête de l’équipe de recherche logicielle responsable des applications commerciales personnalisées qui est située à Toronto.
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Bradley ne participe pas aux activités quotidiennes ni aux ventes de Tech World. Son équipe de recherche et de conception crée des logiciels d’applications commerciales en consultation avec les Dutton. Le personnel de marketing des Dutton renvoie les clients qui veulent des applications commerciales personnalisées à Bradley, qui procède ensuite à l’évaluation initiale des besoins et aux négociations de contrats et qui supervise l’équipe chargée du développement, de la mise en œuvre et de l’évaluation de l’application personnalisée.
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Les difficultés de Bradley chez Tech World ont commencé il y a huit mois, lorsqu’il a réduit sa semaine de travail à deux jours par semaine pour s’occuper de son épouse en phase terminale et qu’il a ensuite pris deux mois de congé après son décès. Durant son absence, un développeur de logiciels principal s’est chargé des contacts directs avec les clients.
En l’absence de Bradley, les Dutton ont unilatéralement réduit ses responsabilités et son autorité, l’ont déménagé dans un bureau intérieur sans fenêtre et ont réaffecté son adjoint. Lorsque Bradley a demandé des explications, Clarence Dutton a crié
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après lui en lui disant que la productivité était basse et qu’il avait disparu pendant deux mois. Janice Dutton a ensuite accusé Bradley d’avoir présenté de manière inexacte la situation financière de Tech World durant la négociation de la vente de l’entreprise. Les Dutton menacent de retenir le versement final de 500 000 $ lié à la vente de Tech World. Bradley trouve les conditions de travail insupportables.
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Bradley et sa défunte épouse ont développé un nouveau programme éducatif alors que Bradley était en congé mais encore à l’emploi de Tech World. Ce programme sera le premier produit de sa nouvelle société de logiciels éducatifs. Les fonctions de Bradley au sein de la nouvelle société ressembleraient à plusieurs de ses fonctions chez Tech World, mais se rapporteraient à une ligne de produits différente. Tech World ne vend actuellement rien au marché éducatif.
Bradley ne s’intéresse nullement aux clients de Tech World et n’a aucune intention de demeurer dans le marché des applications commerciales. Il veut donner à Tech World l’avis de 30 jours exigé par le contrat de travail et ensuite établir sa nouvelle société sans ingérence de la part des Dutton.
Une clause restrictive interdit à notre client, Alex Bradley, d’exercer des fonctions similaires à ses fonctions actuelles de vice-président pendant trois ans après la fin de son emploi, dans toute ville ou municipalité dans laquelle Tech World est exploitée ou fait des affaires. La clause restrictive Bradley-Tech World satisfait-elle à la norme applicable à l’exécution d’une clause de non-concurrence, qui doit être (1) justifiée par des circonstances particulières et (2) sans ambiguïté et raisonnable quant à sa durée, à sa portée géographique et aux activités réduites?
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Bradley devrait être en mesure de quitter son emploi et de lancer sa nouvelle entreprise sans être gêné par la clause restrictive.
La clause restrictive est une clause de non-concurrence qui est vraisemblablement inexécutoire et ce, pour deux raisons :
La common law traite les clauses restrictives dans les contrats de travail comme des restrictions au commerce, qui ne sont exécutoires que si elles sont raisonnables et dans l’intérêt public. Les clauses restrictives dans les contrats de travail
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sont examinées plus soigneusement que celles qui figurent dans les contrats de vente d’entreprise, parce que les tribunaux présument qu’il y a généralement un déséquilibre au niveau des connaissances et du pouvoir de négociation des parties. Une clause restrictive ne doit pas restreindre indûment la capacité d’un employé de gagner sa vie dans son domaine. Le caractère raisonnable de la clause est évalué en tenant compte des circonstances particulières de l’espèce, notamment l’entreprise de l’employeur, les droits de propriété de l’employeur liés à la protection des secrets commerciaux, les renseignements confidentiels et les relations commerciales, ainsi que le rôle de l’employé.
L’employeur qui invoque une clause restrictive doit en démontrer le caractère raisonnable dans le cadre énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Elsley c J.G. Collins Ins. Agencies, [1978] 2 RCS 916,
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lequel exige ce qui suit :
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La Cour suprême a aussi établi une distinction entre les clauses de non-sollicitation qui empêchent l’ancien employé de communiquer avec des clients et les clauses de non‑concurrence qui tiennent l’ancien employé à l’écart d’une profession ou d’une activité commerciale. L’exécution d’une clause de non-sollicitation est probable si celle‑ci protège le droit de propriété de l’employeur et est raisonnable quant à sa durée et à sa portée géographique. Par contre, les clauses de non-concurrence ne sont exécutées que dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu’une clause de non-sollicitation n’est pas suffisante pour protéger le droit de propriété valide de l’employeur.
Si l’employeur démontre que la clause est raisonnable vis-à-vis des parties, pour l’invalider, l’employé qui conteste la clause doit démontrer qu’elle supprime indûment la concurrence et qu’elle est inexécutoire parce qu’elle est contraire à l’intérêt public.
L’affaire Elsley
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illustre comment une clause de non-concurrence peut être maintenue en raison de la nature de l’entreprise et du rôle de l’employé. Dans cette affaire, Elsley avait vendu sa compagnie d’assurances à Collins et avait conclu simultanément un contrat de travail distinct pour gérer l’entreprise. Tant le contrat de vente que le contrat de gestion contenaient des clauses de non-concurrence prévoyant des restrictions temporelles et géographiques.
Elsley a géré tous les aspects de l’entreprise d’assurances de Collins pendant 17 ans et a agi comme personne-ressource clé pour les clients, presque sans aucune participation de Collins. En tant que gérant général, Elsley avait accès aux renseignements personnels et financiers détaillés de tous les clients et communiquait régulièrement avec eux pour passer en revue leurs besoins en matière d’assurance. Deux mois après son départ, Elsley a lancé une entreprise concurrente qui a attiré bon nombre des clients de Collins, son employeur. L’employeur a intenté une action en exécution de la clause restrictive et en dommages-intérêts. La Cour suprême a confirmé la validité de la clause et, par le fait même, les décisions du tribunal de première instance et de la Cour d’appel.
La Cour suprême a tout d’abord décidé que l’employeur avait un droit de propriété valide lié à la protection de ses relations commerciales et que les restrictions du contrat étaient raisonnables quant à leur durée et leur portée territoriale. La Cour a ensuite examiné la question de savoir si la nature de l’entreprise et le rôle d’Elsley justifiaient davantage qu’une clause de non-sollicitation pour protéger le droit de propriété valide de l’employeur. La Cour a établi une analogie entre les relations confidentielles d’Elsley avec sa clientèle et les relations d’un avocat avec son client ou d’un médecin avec son patient, de sorte qu’il était probable que les clients de l’employeur suivent Elsley s’il changeait d’entreprise. La Cour a décidé qu’au moment de conclure un contrat pour la première fois, les parties comprenaient qu’Elsley aurait une relation étroite, personnelle et exclusive avec les clients de l’employeur, ainsi que la capacité de les influencer. Il y avait donc en l’espèce les circonstances exceptionnelles nécessaires pour justifier une clause de non-concurrence.
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En dernier lieu, la Cour s’est penchée sur la question de savoir si la clause aurait un impact négatif sur l’intérêt public. La Cour a conclu que le fait de limiter l’entrée d’Elsley dans le secteur des assurances dans la région du Niagara ne restreignait pas indûment la concurrence, puisqu’il y avait plus de vingt-deux compagnies d’assurances dans la région.
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Dans des causes ultérieures, pour déterminer si une clause de non-concurrence était justifiée par des circonstances exceptionnelles, les tribunaux ont examiné de près la portée des activités réduites, la nature de l’entreprise et le rôle de l’employé au sein de celle-ci.
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Par exemple, dans H.L. Staebler Company Limited v Allan, 2008 ONCA 576, la Cour d’appel de l’Ontario a infirmé un jugement de première instance accordant une injonction et des dommages-intérêts pour violation d’une clause restrictive de deux ans interdisant aux vendeurs d’assurances de [TRADUCTION] « faire des affaires avec des clients de H.L. Staebler Company Limited dont vous vous occupiez ou auxquels vous fournissiez des services à la date de votre cessation d’emploi ».
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La Cour d’appel a conclu que la clause était une clause de non-concurrence, parce qu’il était interdit aux employés de faire des affaires avec d’anciens clients, pas seulement de les solliciter. En tant que clause de non-concurrence, la restriction doit être à la fois justifiée par des « circonstances exceptionnelles » et raisonnable.
Puisqu’il était interdit aux employés de faire des affaires avec d’anciens clients, peu importe si leur entreprise entrait ou non en concurrence avec l’entreprise d’assurances de l’employeur, la clause allait au-delà de ce qui était raisonnablement nécessaire pour protéger le droit de propriété de Staebler à l’égard de ses relations commerciales. Même si, comme dans l’affaire Elsley, les employés avaient des relations étroites avec leurs clients dans le secteur de l’assurance, le tribunal a décidé qu’il s’agissait de la norme dans l’industrie et que cela ne justifiait pas en soi une clause de non-concurrence. Le tribunal a conclu que les employés étaient des membres réguliers d’une équipe de vente de dix personnes qui n’avaient aucune connaissance ou responsabilité particulière, par opposition à Elsley, qui était le gérant chargé des contacts avec les clients et qui était considéré comme un synonyme de l’identité de l’entreprise. Le tribunal a décidé qu’une clause de non-sollicitation aurait été suffisante pour protéger le droit de propriété de Staebler.
De la même façon, dans Lyons v Multari 2000 Canlii 16851 (C.A. Ont.), la Cour d’appel de l’Ontario a décidé que les droits de propriété légitimes d’un chirurgien stomatologiste ne justifiaient pas l’imposition d’un accord de non-concurrence à un associé subalterne qui n’était pas le principal point de contact des patients et qui ne participait pas à la gestion. L’intérêt de l’employeur à protéger sa clientèle aurait pu être servi par une clause de non-sollicitation.
Dans les arrêts Staebler et Lyons, les principes énoncés dans l’arrêt Elsley ont été suivis. Cependant, des conclusions opposées ont été tirées, après un examen soigneux du contexte global de l’emploi et des affaires par le tribunal et compte tenu de la réticence générale à maintenir une clause de non-concurrence à moins qu’une clause de non‑sollicitation ne soit inefficace.
La clause prévue dans le contrat de notre client Bradley est une clause de non‑concurrence, parce qu’elle l’empêche de faire un travail similaire à celui qu’il fait chez Tech World et ce, pour toute entreprise et pas seulement pour les clients existants de Tech World. En tant que vice-président chargé de la recherche et de la conception, Bradley a accès à des solutions d’applications logicielles aux besoins commerciaux des clients de Tech World. Tech World a un droit de propriété légitime lié à la protection de ses applications. La question clé est celle de savoir si Tech World peut démontrer qu’il existe des circonstances particulières justifiant l’imposition d’une clause de non-concurrence – plutôt qu’une clause de non-sollicitation – à Bradley.
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Vu la portée de la restriction, la nature de l’entreprise et le rôle de Bradley dans celle-ci, il est peu probable que Tech World puisse démontrer qu’il existe des circonstances particulières justifiant une clause de non-concurrence. De plus, il est probable que le tribunal examinera minutieusement le contrat, parce qu’il s’agit d’un contrat de travail.
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Le contrat de Bradley lui interdit d’accomplir « un travail comportant des fonctions similaires » à celles qu’il exerce pour Tech World. À sa face même, l’expression empêche Bradley d’utiliser ses compétences générales en affaires et ses compétences de recherche, de conception et de supervision dans toute profession, peu importe si son nouveau travail entre réellement en concurrence ou non avec les activités commerciales de Tech World. Il s’agit du même type de restriction que celui que la Cour d’appel de l’Ontario a jugé inacceptable dans l’arrêt H.L. Staebler.
La situation de Bradley ressemble davantage à celle des employés dans l’affaire Staebler, qui étaient des membres réguliers d’une équipe de vente de dix personnes, qu’à celle d’Elsley, qui était le visage de facto de l’entreprise. L’approche d’équipe de Tech World en matière de marketing et de développement de logiciels ne crée pas, entre Bradley et les clients de Tech World, le type de relation personnelle exclusive qui était évidente dans l’affaire Elsley. Bradley n’est pas le premier point de contact avec les clients. L’équipe de marketing de Tech World renvoie plutôt les clients commerciaux à Bradley, qui procède à l’évaluation initiale des besoins et à la négociation de contrats. Bradley supervise ensuite l’équipe de conception, dans laquelle d’autres membres de l’équipe travaillent directement avec les clients pour développer et mettre en œuvre les progiciels d’application. Pendant les huit mois au cours desquels Bradley a limité son travail à deux jours par semaine et ensuite pris un congé, d’autres employés ont assumé ses fonctions sans perturbation.
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De plus, comme dans les affaires Staebler et Lyons, Bradley ne participe pas aux activités quotidiennes ni aux ventes de Tech World dans le cadre de ses fonctions de vice‑président, recherche. En fait, Bradley a vendu l’entreprise afin de se débarrasser de la gestion et de limiter son rôle à la recherche et à la conception d’applications commerciales personnalisées. Encore une fois, cette situation contraste avec celle dans l’affaire Elsley, dans laquelle l’ancien propriétaire est demeuré le directeur commercial clé.
Il est probable que le tribunal examinera rigoureusement la clause de non-concurrence dans le contrat de travail. Tech World pourrait soutenir que Bradley et les Dutton étaient des parties contractantes dotées d’un pouvoir de négociation égal et que la clause de non‑concurrence figurant dans le contrat de travail est liée à l’acquisition de l’entreprise et protège cette acquisition. Cependant, dans l’arrêt Elsley, la Cour suprême a rejeté un argument similaire, en traitant le contrat de vente de l’entreprise et le contrat de travail comme des contrats négociés séparément, même si, au départ, les contrats contenaient des clauses de non-concurrence parallèles. Dans le cas de notre client, chaque contrat semble être autonome; le contrat de vente de l’entreprise ne mentionne nullement le maintien de l’emploi de Bradley.
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Au moment où le contrat a été conclu, les Dutton savaient que Bradley était dans un état de vulnérabilité – il s’occupait de son épouse en phase terminale et il voulait vendre l’entreprise expressément pour cette raison. De plus, Bradley leur a dit qu’il voulait réduire ses responsabilités et sa participation à la gestion quotidienne. Par conséquent, il est probable que les tribunaux examineront soigneusement la clause prévue dans le contrat de travail, séparément de la vente de l’entreprise.
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En résumé, il est peu probable que la clause de non-concurrence Bradley-Tech World satisfasse à l’exigence relative aux circonstances particulières.
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Dans l’ensemble, en tant que vice-président chargé de la division des logiciels personnalisés, Bradley est un employé important, mais il n’est pas essentiel. Il est peu probable que la preuve montre que Bradley a une relation spéciale avec les clients de Tech World ou des connaissances particulières qui justifieraient une clause de non-concurrence, surtout une clause qui empêche Bradley de travailler pour des entreprises non concurrentes.
La clause de Tech World sera vraisemblablement écartée, parce que les restrictions visant les activités d’emploi de Bradley et les territoires où il peut travailler sont ambiguës et déraisonnablement larges.
Selon la Cour suprême, une clause restrictive est à première vue une restriction commerciale déraisonnable si elle contient une expression ambiguë. Dans Shafron c KRG Insurance Brokers (Western) Inc., 2009 CSC 6, [2009] 1 RCS, l’expression « l’agglomération de la ville de Vancouver » figurant dans une clause de non‑concurrence de trois ans n’était pas claire parce qu’il n’y avait aucune définition légale ou établie de la limite géographique visée par l’expression.
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Dans le contrat de Bradley, il y a plusieurs expressions dont on peut soutenir qu’elles sont ambiguës et trop larges. Le contrat de Bradley lui interdit d’accomplir « un travail comportant des fonctions similaires » à celles qu’il exerce pour Tech World, mais il ne définit pas les fonctions de Bradley, si ce n’est qu’il précise que Bradley est le vice‑président, recherche à la tête de l’équipe de recherche logicielle responsable des applications commerciales personnalisées qui est située à Toronto. À tout le moins, une définition claire des fonctions de Bradley est nécessaire pour interpréter l’expression « fonctions similaires ». L’ambiguïté pourrait être dissipée s’il y avait une description d’emploi officielle ou informelle; nous devrions donc nous renseigner à ce sujet auprès de Bradley. Cependant, même s’il y avait une description d’emploi, la clause serait vraisemblablement écartée au motif qu’elle est excessivement large, puisqu’elle empêche Bradley de travailler comme chef d’équipe dans tout secteur, pas seulement celui du développement des logiciels.
La restriction géographique est aussi trop vague et trop large. Premièrement, on ne sait pas trop quel secteur géographique est désigné par l’expression « toute ville ou municipalité dans laquelle l’employeur est exploité ou exerce des activités commerciales ». Si l’expression « est exploité ou exerce des activités commerciales » n’est pas définie, la clause pourrait empêcher Bradley de travailler dans toute ville où Tech World a un bureau, conclut des contrats ou a simplement des clients. Bradley n’aurait aucune façon de vérifier s’il peut travailler à un endroit en particulier. Le langage est encore plus vague que dans l’affaire Shafron,
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où il n’y avait aucune définition de la ville de Vancouver. Deuxièmement, la combinaison de la limite géographique peu claire et de l’interdiction de travailler partout où Tech World fait des affaires pourrait empêcher Bradley de travailler où que ce soit au Canada ou même en Amérique du Nord. Dans H.L. Staebler Company Limited v Allan, une affaire dans laquelle la clause ne prévoyait aucune limite géographique, la Cour d’appel de l’Ontario a souligné que les restrictions territoriales empêchant les employés de travailler où que ce soit, même s’ils déménageaient dans la région la plus éloignée au Canada, étaient trop larges pour un contrat de travail. Il est contraire à l’intérêt public d’empêcher indûment les employés de gagner leur vie.
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La clause restrictive dans le contrat de travail de Bradley ne devrait pas faire obstacle à son plan de lancer une nouvelle entreprise après avoir quitté Tech World. En tant que vice-président, recherche chargé de l’équipe de conception de logiciels responsable des applications commerciales personnalisées, Bradley accomplit des tâches de supervision générales et des tâches de développement de logiciels plus spécialisées; il ne participe pas à la gestion ni au marketing, il n’est pas le seul concepteur de logiciels et il ne traite pas avec les clients sans aucune participation des propriétaires de Tech World, du personnel de marketing et d’autres développeurs de logiciels. Bref, il n’est pas un employé essentiel. Ainsi, il est peu probable que Tech World puisse démontrer qu’il existe des circonstances particulières justifiant une clause de non-concurrence plutôt qu’une clause de non-sollicitation.
Les activités réduites et les limites géographiques imposées par la clause restrictive sont décrites de façon ambiguë et leur portée est trop large. Par conséquent, elles constituent vraisemblablement une restriction invalide dans un contrat de travail. Quant à l’ambiguïté des fonctions liées à l’emploi de Bradley, il serait prudent de demander au client s’il existe une description d’emploi officielle. Toutefois, même avec une description d’emploi claire, la clause est encore excessivement large.
Une question qui n’a pas été abordée lors de l’entrevue initiale ou dans la présente note est la possibilité que le travail de Bradley lié au programme logiciel éducatif viole la partie de la clause de non-concurrence prévoyant qu’il n’exercera pas de fonctions similaires ailleurs pendant la durée de son emploi. Lors de l’entrevue, Bradley a supposé que son nouveau programme constituait sa propriété intellectuelle exclusive, parce que Tech World se limite actuellement aux applications commerciales. Cependant, nous devons examiner si Tech World peut faire valoir une réclamation à l’égard des applications logicielles que Bradley a développées alors qu’il était un employé.
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Bien que le dossier de Bradley soit solide, je recommande que nous discutions avec lui d’une stratégie pour négocier les conditions de son départ.
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Bradley a clairement indiqué qu’il ne veut pas que son attention soit détournée par un litige avec les Dutton. Les Dutton menacent déjà de retenir le paiement final de 500 000 $ lié à la vente de l’entreprise et le départ de Bradley moyennant un avis de 30 jours pourrait aggraver la situation. La médiation pourrait être une bonne option, vu l’animosité considérable qui règne entre les parties. Je recommande de discuter d’une négociation ou médiation possible avec le client lors de la prochaine réunion.
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